Traditions méditerranéennes

Oriflamme jeanne

Il est un maire, en ce sud rhodanien, qui se présente comme le porte-oriflamme de l’Occident chrétien et de ses racines gréco-latines ; c’est ce qu’il a encore revendiqué haut et fort lors du Conseil Municipal du 22 juillet dernier, reprenant et amplifiant l’intervention de l’un de ses conseillers qui s’est cru obligé de se lancer dans une diatribe où la violence le disputait à la haine et à l’ignoble.

Pour appuyer ce qui se voulait être une démonstration de ce que tous les maux de la Terre sont le fait d’une partie de l’Humanité (les Arabes donc, et plus largement les Musulmans), cet élu a utilisé une prétendue citation de Charles de Gaulle, dont celui-ci n’a pas écrit un seul mot, qui est apparue un quart de siècle après la mort du Général et dont les torchons d’Extrême Droite usent et abusent depuis.

Faut-il rappeler à ce « monsieur » que le premier président de la Cinquième République faillit succomber sous les balles et les bombes de terroristes bien Français, en Août 1962 au Petit-Clamart, terroristes bien Français qui multiplièrent violences et attentats sur le sol même de la Métropole contre leurs propres compatriotes, avec le visage mutilé d’une enfant de cinq ans, la petite Delphine Renard, comme symbole de ces atrocités commises au nom de l’Occident chrétien et d’une France s’étalant de Dunkerque à Tamanrasset ?

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N’ayons pas la cruauté de rappeler ce que furent les joyeusetés de la Très Sainte Inquisition, ni combien de dizaines de milliers de morts et d’exils ponctuèrent, deux siècles durant, sur ce sol de France, la revendication des Protestants de croire librement. Huguenots qui, soit dit en passant, ne reconnaissent pas la sainteté des personnages dont les prénoms ornent notre calendrier et de l’adoption desquels prénoms le Maire cité plus haut voudrait faire une preuve de loyauté envers la France : l’Occident se doit donc d’être Catholique ! « Chrétien », c’est encore trop large !

Saint Barthelemy 2

Que, lors des dernières tueries, bien des victimes soient de nationalité étrangère, que plus de 30 de celles de Nice soient de confession musulmane, que des militaires ou des policiers français d’origine maghrébine soient tombés sous les balles des assassins, ces élus dans leur aveuglement monomaniaque n’en ont que faire ! Ils nourrissent la même répulsion mortifère de l’Autre que celle qui anime et arme le bras des tueurs. Comment ignorer, taire, que les principales victimes des fous sont de même religion, assassinées par centaines de milliers, à Damas, à Kaboul, à Bagdad ou à Tripoli ?

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Quant à la revendication des racines gréco-latines, mille fois exprimée pour mieux exclure qui ne les partage pas, on est en droit de se demander si, chez ces mêmes élus, l’ignorance de ce que fut la pensée antique l’emporte sur la volonté de travestir l’Histoire pour recracher une bouillie idéologique qui est censée tenir lieu de repère identitaire, ancré dans le plus lointain passé.

Savez vous, Messieurs Boyer et Sanchez, puisqu’il faut bien se résoudre à vous nommer, que le premier devoir, le plus sacré, chez ces Anciens derrière lesquels vous vous abritez, était le devoir d’HOSPITALITE : tout homme digne de ce nom était tenu d’accueillir chez lui quiconque, quel qu’il soit (« o boulomenos »), d’où qu’il vienne. Personne ne pouvait contrevenir à cette règle divine : rappelez-vous Ulysse, de retour en son île d’Ithaque, après vingt ans d’absence et d’épreuves, désireux de reconquérir son trône et son épouse. Il est méconnaissable, en haillons, malodorant…un vagabond, un traîne-misère arrivé d’Orient, d’au-delà les mers. Seuls son chien et sa nourrice devinent qui il est. Il est pourtant introduit dans son palais par les princes arrogants, admis au banquet, inscrit aux épreuves qui vont désigner le futur époux de Pénélope, en vertu de cette intangible loi d’Hospitalité qui lui permettra de retrouver son rang.

Ulisse en son palis

 

Et pour en finir, saviez-vous, Messieurs qui êtes si attachés à vos racines grecques, que parmi les innombrables mots qui désignent la mer chez ce peuple de marins, il en est un qui avait leur faveur : « pontos », c’est-à-dire la mer comme un pont, un lien pour unir les Hommes ; la Méditerranée comme une paume ouverte aux vents et aux gens d’où qu’ils viennent, une invite à la Fraternité.

pape syriens

Cette mer qui n’était pas cette frontière que vous voudriez infranchissable, pas des abysses où s’abiment quotidiennement les rêves et les corps de celles et  ceux qui fuient la guerre, la misère et le fanatisme.

Aujourd’hui, dans les îles des Cyclades grecques, sur Pantelleria, au large de la Sicile, des pêcheurs, des bergers perpétuent les traditions d’accueil de l’Antiquité greco-latine, bien loin des délires haineux de petits élus qui trahissent leurs plus profondes racines !

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Transcription de l’intervention d’Antoine Boyer lors du Conseil Municipal du 22 juillet 2016 et réponses des élus

 

 

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