Rencontre avec les salariés de LINPAC

LINPAC : les prédateurs

L’entreprise britannique LINPAC PLASTICS, à gestion familiale, a été rachetée en 2003 par un fonds de pension anglo-saxon, MONTAGU, détenteur, entre autres, de PICARD (surgelés), Bilto (journal hippique), etc. Ce rachat (500 millions de livres sterling soit environ 700 millions d’euros) s’est fait dans le cadre d’une LBO (Leverage Buy Out), pratique de plus en plus développée (4,5 milliards d’euros d’achats par ce biais, en France en 2002), légale bien que s’apparentant à la razzia flibustière ! Il s’agit d’acheter à crédit, avec très peu de mise personnelle : la dette est ensuite remboursée avec les profits de l’entreprise achetée…et de sa revente la plus rapide possible ; il faut ajouter que les frais financiers liés à la dette sont déduits du bénéfice imposable de la société rachetée (autrement dit, le plus souvent, les fonds en question ne paient pas d’impôts !). L’un des premiers à avoir tenté une opération qui y ressemble s’appelle Bernard Tapie (achat à crédit d’Adidas) ! La structure de ces sociétés est très enchevêtrée et opaque : les expertises comptables ont du mal à y voir clair !

Les Fonds de Pension, qui prospèrent dans les pays où n’existe pas le principe de retraite par répartition (et donc de solidarité entre les cotisants et entre les générations) n’ont pas pour philosophie d’investir dans les entreprises achetées, mais d’y faire le plus de profits possible le plus vite possible, pour racheter ailleurs et servir les retraites de leurs souscripteurs. L’achat par LBO aggrave encore cette rapacité financière : LINPAC est donc victime d’une double peine (fonds de pension+achat par LBO) !C’est ce type de pratiques, privilégiant les opérations financières au détriment des investissements productifs, qui est l’une des causes de la crise mondiale actuelle. Notons que, dans ce contexte, des salariés qui ont épargné toute leur vie pour investir dans ces fonds de pension, peuvent se retrouver ruinés et privés de retraite ! (cf l’affaire ENRON aux USA, il y a quelques années).

Une proie dépecée

A Tarascon, l’usine produit des emballages alimentaires en plastique (surtout pour les fast-food et la grande distribution) ; elle est liée à une autre usine, à Pontivy, qui produits des films plastiques étirables (pour couvrir les barquettes) et à un centre de distribution. Le groupe possède des sites à travers toute l’Europe (Grande Bretagne, Espagne, Pays de l’Est) et des ateliers assurant la fabrication d’autres produits, en France même (Allibert : articles sanitaires). A son rachat, il y avait 240 salariés.

Mais, à partir de 2004, Mc Do, qui veut se donner une image écolo ( !) souhaite des emballages plus facilement recyclables ; aucun investissement n’est fait : le marché Mc Do (50% du chiffre) est progressivement perdu et 52 licenciements sont prononcés. En 2005, la direction recherche des économies, allège le poids des barquettes (moins de matière première) et augmente les cadences.

A cela s’ajoutent les pratiques très contestables de la grande distribution qui à recours auprès de ses fournisseurs aux enchères inversées sur internet : on part d’un prix maximum et les enchères consistent à baisser de plus en plus ce prix ! Les fournisseurs, vendant parfois à perte, se rattrapent sur l’augmentation des cadences et le blocage des salaires.

Les salariés dénoncent les problèmes de gestion, l’absence de stratégie claire : emblématique, le « turn-over » des cadres dirigeants ; ainsi, au cours de la dernière année (2007/2008), 4 directions se sont succédées ! Cela conduit à des retards, qui se traduisent par des pénalités à payer aux clients, à la difficulté de développer l’informatisation du site, et donc à des surcoûts…32 nouveaux licenciements, en décembre 2007, ponctuent ces incohérences. En contrepartie, promesse est faite de fermer de petits dépôts pour faire de Tarascon un Centre National de Distribution : nouvel échec ! Quand on veut noyer son chien…

En Avril 2008, le Comité d’Entreprise choisit un expert pour examiner les comptes 2007 mais il se heurte à de multiples difficultés pour se faire remettre les documents nécessaires Ce qui apparaît de plus en plus clairement, c’est que le groupe LINPAC Europe serait à vendre, en élaguant les sites les moins rentables (dont Tarascon) pour rendre le « produit » plus attractif ! Les 28 millions d’euros du marché français seraient redistribués sur les sites anglais, espagnol ou polonais.

Un second expert sollicité par le C.E. travaille sur des contre-propositions industrielles, avec, par exemple, une spécialisation sur un produit original mais le temps presse : la direction annonce (évidemment pendant les congés, le 31 juillet !) la fermeture et 130 licenciements pour cette fin d’année !

Résister avec ceux de LINPAC et inventer du neuf !

La résistance des salariés de LINPAC s’est d’abord exprimée par des cadences ralenties de moitié puis la grève ; mais le découragement gagne et il y a des dégâts psychologiques, d’autant que la crise mondiale pousse au renoncement. Les 130 souhaitent que leur situation soit beaucoup plus médiatisée, que le Rhône ne soit plus une frontière, que les syndicats et les militants des deux rives les soutiennent et organisent, pourquoi pas, une réunion publique de grande ampleur sur l’emploi et la popularisation des solutions alternatives pour sauver le site de Tarascon. Ils sont les victimes emblématiques d’un capitalisme financier et spéculatif qui « nationalise » les pertes (les citoyens paient de leurs deniers et les salariés de leur emploi !) mais continue à privatiser les profits pour une infime minorité ! 10,5 milliards d’euros distribués aux banques françaises, 360 milliards de garanties fournis par monsieur le Président aux requins de la Finance, ceux-là même qui veulent dévorer LINPAC et ses salariés ! Est ce donc cela la « nouvelle morale » prêchée par Sarkozy ? Il appartient aux citoyens, d’ici et d’ailleurs, d’imposer de nouvelles règles pour que, enfin, il ne pleuve plus toujours où c’est mouillé…

Linpac RPB

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