L’imposture du Maire

Pièce en V actes. Genre : comédie (dramatique)

Les protagonistes

Julien Sanchez, dit  ‘El pequeño Nimeño’. Tout nouveau maire de Beaucaire. Professionnel de la politique au  FN. Ne se déplace jamais sans son Gillet de sauvetage.

 Jacques Bourbousson, dit ‘Oui-Oui’. Ancien maire de droite de Beaucaire. Très généreux avec l’agent des autres.

 Christophe André, dit ‘Le dauphin’. Candidat de droite malheureux aux dernières municipales. Ne sait pas comment se débarrasser du très lourd héritage laissé par son père, ancien maire de Beaucaire et précurseur des idées du FN.

 Claude Dubois, autre candidat malheureux de gauche aux dernières municipales, dit ‘Maya’, en référence à son métier d’apiculteur, par ses opposants.

 Le public : des partisans des différentes fractions d’opposition et les groupies du nouveau maire, tous venus assister à la mise à mort de Jacques Bourbousson par Julien Sanchez.

Le lieu

 La salle du conseil municipal de Beaucaire le 17 juillet 2014.

 L’assemblée est convoquée pour délibérer sur le rapport de la Cour régionale des comptes sur le mandat 2008-2012 du maire précédent, Jacques Bourbousson.

 La salle est comble, une partie du public est debout et il fait une chaleur étouffante malgré les fenêtres ouvertes et les ventilateurs répartis dans la salle.

 Dans l’assemblée, on remarque Mireille Cellier, ancien maire et, fait exceptionnel, Jacques Bourbousson, sur le banc des élus de l’opposition, assiste à la séance.

 

 L’objet de la discorde

 Le rapport de la Cour régionale des comptes sur la gestion de la ville de 2008 à 2012 qui révèle, entre autres, que M. Bourbousson a fait payer par la Ville, et sans mise en concurrence, son « Banquet de victoire »  aux  élections municipales de mars 2008.

 

 Acte I : le mensonge

 M. le Maire, dans un long monologue, lit le résumé du rapport à l’assemblée. Le public s’ennuie et attend impatiemment le début des débats.

 Julien Sanchez cite ensuite sa réponse à la Cour des comptes au sujet du « banquet de victoire” de l’ancien maire : « Si vos affirmations sont exactes, le fait que la municipalité ait pu prendre à sa charge une telle dépense est indécent en plus d’être illégal. »

La parole est donnée aux élus de l’opposition.

 Claude Dubois, s’adressant à Mmes Sarrailh, Fougasse et Mondet, demande alors à ces élues, qui siègent maintenant avec M. Sanchez et qui ont pris part au repas du 21 mars 2008 payé par la ville, si elles envisageaient de rembourser leur part à la commune de Beaucaire.

 M. Sanchez,répond sèchement : « Concernant Mme Fougasse et Mme Mondet,  je trouve ça inadmissible, ce que vous avez dit, puisque avant de parler il faut connaître la personne, en l’occurrence elles sont quand-même un exemple de probité… Pour le repas, je maintiens qu’elles n’ont pas pris de repas payés par la ville contrairement à beaucoup de leurs collègues. »

 Un niveau plus bas, sur le banc des élues, Mmes Mondet et Fougasse regardent leurs notes et ne réagissent pas au propos du Maire.

 

 Acte II : flagrant délit

 M. Bourbousson,  jusque-là silencieux, intervient : « Sur les repas en question, c’est quand on a été élus et effectivement elles y étaient… ». S’adressant aux élues concernées : « Mais si, vous y étiez ! ».

 Stupeur dans la salle du conseil municipal, agitation des élus sur leur banc. Brouhaha.

 Jacques Bourbousson s’adressant directement à une élue: « Tu y étais pas le soir où on a été élu ?  C’est… ».

 La fin de la  phrase se perd, coupée par M. Sanchez qui intervient menaçant.

 Julien Sanchez : « C’était pas le soir où vous avez été élus.  C’était 5 jours après. C’était 5 jours après…, donc vous mentez sur les dates des factures en plus de faire payer les factures par la mairie. Ce sera noté au procès-verbal également ».

 Christophe André entre en scène, pesant ses paroles  :  » Vous jouez avec les mots. Le vendredi 21 mars 2008,… le soir où M. Bourbousson a été élu maire,… et je trouve ça normal,” –le silence se fait dans la salle, tout le monde attend la suite- “Mme Sarailh, Mme Mondet et Mme Fougasse étaient présentes à cette soirée au Robinson. ….On est d’accord ? ».

 Mme Fougasse semble acquiescer mais le brouhaha qui a repris ne permet pas de comprendre ses paroles.

 Mme Mondet semble acquiescer aussi.

 M. Sanchez parcourt compulsivement le rapport sans sembler y trouver ce qu’il cherche. Il ricane en secouant la tête puis se tourne vers son conseiller Gillet qui ne lui semble pas d’un grand secours. Il dit : « On parle d’une autre personne ».

 M. André, haussant le ton et détachant ses mots en s’adressant aux élues en cause, « Vous étiez présentes au Robinson le soir où il a été nommé maire en conseil municipal. Le vendredi 21 mars, il y a eu une grande fête où il y a eu 600 personnes. Faut être précis, je vous reproche pas d’avoir été présentes, ce que je vous reproche c’est d’avoir payé la facture ».

 Flottement du côté des élues.

 M. Sanchez feuillette toujours le rapport et semble se tasser sur son siège.

 

 Acte III : où l’on tente de noyer le poisson…

 M. Sanchez, en montrant précisément une page du rapport de la CRC : « La facture précise une autre date que le 21 mars, la facture donne une autre date que le 21 mars; donc il y a, là aussi, un mensonge sur la date de la facture si c’est ce que vous dites, mais je n’ai pas de raison de croire que la date de la facture est fausse ».

 M. André : « Je viens de prendre la date sur le rapport de la CRC ».

 M. Sanchez,montrant le rapport, encore : « Oui c’est pas le 21. »

 

Sanchez rapport

 

Il se replonge dans le rapport. La salle attend la suite.

 N’ayant rien trouvé, Julien Sanchez reprend, légèrement méprisant:  » Donc c’est tout ce que vous retenez de 50 pages de rapport ».

 M. André : « Non non, attendez, je vais m’exprimer. Attendez, vous écrivez. C’est vous qui écrivez ‘à titre d’exemple significatif’, c’est vous qui écrivez, ‘une facture en date du 21 mars 2008 pour 600 repas d’un montant de 12000 €’. C’est vous qui écrivez! »

 M. Sanchez : « Et les élections avaient lieu le ? ».

 

 Acte IV : l’aveu

 M. André à Mmes Mondet, Fougasse et Sarrailh : « Vous étiez présentes ce jour-là, il ne faut pas dire le contraire ! ».

 Mme Fougasse veut prendre la parole et allume le micro.

 Mme Mondet la devance : « On était présentes, mais il y avait toute la population ; mais là on n’était pas au courant de…  voilà. Moi j’y étais c’est sûr ».

 M. André,véhément : « 600 personnes, il y avait 600 personnes ! ».

 

 Acte V : la dérobade

 M. Sanchez, feignant d’ignorer ce qui vient d’être dit :  Les élections étaient le 10 et le 17 mars, pour information. Pas le 21 mars ».

 M. André : « Le soir où il a été élu il n’avait pas le droit d’engager ; il a été nommé maire ce soir-là, le vendredi. Vous vous n’avez pas été nommé maire le soir des élections. »

 M. Sanchez, se tassant de plus en plus,acquiesce.

 M. Sanchez : « Ecoutez, la justice fera son travail. Pour ce qui me concerne moi, je l’ai très fortement indiqué là-dessus », il montre le rapport « depuis le 5 avril, jour où j’ai été élu, aucune dépense de déjeuner n’a été remboursée ou payée au moindre élu municipal’.

 M. André passe à une autre question.

 Julien Sanchez, semblant soulagé, se redresse enfin sur son siège.

 

 Le rideau (et le masque) tombe.

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