DEUX ANS ET DEMI DE POUVOIR DU FN à BEAUCAIRE
Élu en mars 2014 au deuxième tour et profitant d’une division de la droite, Julien Sanchez séduit 3 083 électeurs sur un nombre d’inscrits de 10352, soit 29,7 % du corps électoral.
Martelant au cours de cette campagne les thèmes de prédilection du FN, il dresse le portrait d’une ville au bord du gouffre, minée selon lui par les problèmes d’insécurité, asphyxiée économiquement par une conjoncture locale qui ferait fuir les investisseurs, une ville en perte d’identité face aux revendications communautaristes.
Sa virginité politique dans le microcosme beaucairois fût un atout et lui a permis de s’afficher comme un recours au regard du désastre que représentait à ses yeux la gestion de l’ancienne municipalité. Parachuté, il est apparu aux yeux d’un tiers des beaucairois comme l’homme providentiel, un maire qui ne tremperait pas dans les magouilles locales. Héritier direct de Jean-Marie André qui a son époque prétendait que le FN s’inspirait de ses idées et non l’inverse, il inscrit son action dans la continuité de toutes les majorités de droite depuis 1983 qui ont eu besoin des voix et du soutien du FN pour se faire élire à la mairie.
L’enjeu pour le parti d’extrême droite est de taille : faire oublier l’épisode désastreux des gestions municipales de 1995 qui lui avait valu une solide réputation d’incompétence en laissant exsangue des villes comme Toulon et Marignane.
Force est de constater que rien n’a changé aujourd’hui : le FN n’est pas en mesure de diriger une ville de 16 000 habitants et ce ne sont pas les talents pour l’enfumage permanent de Julien Sanchez qui métamorphoseront un parti contestataire et démagogique en parti de gouvernement.
Le FN : une coquille vide
Julien Sanchez est un homme seul. Omniprésent et évitant que ses propres adjoints engagent sa responsabilité et sa signature, il délègue très peu. Incapable de rassembler une liste complète de Beaucairois en 2014, il pioche parmi les adhérents du FN dans les communes proches : le premier adjoint habite Vallabrègues, l’adjoint à l’agriculture et aux espaces verts réside à Bernis, il vilipende la gestion de l’ancien maire mais n’hésite pas, pour compléter sa liste, à débaucher l’adjointe à la culture de Bourbousson et Mme Mondet aujourd’hui en charge du CCAS.
Il concentre l’essentiel du pouvoir par une gestion hyper-centralisée : il est à la fois maire, adjoint aux finances, adjoint en charge du personnel, chef d’orchestre du service de propagande de la mairie. Il décide de tout, autorise lui même un prêt de salle ou un voyage scolaire, ce qui lui vaut quelques couacs retentissants : une signature tardive pour le contrat d’assurance du parc automobile municipal et voilà des agents au volant de véhicules non assurés, un retard dans le renouvellement de la délégation de service public de la fourrière, l’absence du renouvellement de la commande de papier toilette pour les écoles et voilà des enfants privés d’hygiène la plus élémentaire ! Julien Sanchez est la personne ressource du FN dans le Gard : tête de liste aux élections régionales, et vraisemblablement candidat aux élections législatives en 2017, il se démultiplie et renonce à son engagement de campagne : il n’est pas le maire de Beaucaire 24h/24h comme il prétendait l’être, mais semble plutôt au service de sa propre ambition.
La démocratie locale version Julien Sanchez
Son souhait, fait au cours de la campagne électorale, de mettre les élus d’opposition au travail est une imposture. Il montre depuis qu’il se révèle incapable d’accepter la moindre critique et même qu’il la fuit : les commissions permanentes réunies avant chaque conseil sont expédiées et ne sont que des chambres d’enregistrement des ordres du jour. Pour satisfaire son propre agenda et au mépris du public désireux d’assister aux séances du conseil, il convoque les élus très tôt le matin, évitant ainsi une large diffusion des débats. Opacité renforcée par la diffusion tardive du programme sur lequel les élus d’opposition doivent travailler, des procès-verbaux de chaque conseil qui sont rendus publics plusieurs mois après la séance ou ne le sont pas. Il évite la concertation avec la population : pas de conseils citoyens réunis pour favoriser l’investissement de la population des quartiers prioritaires, un culte du secret autour des « grands projets » de sa mandature comme l’aménagement du Sud Canal. A aucun moment la population n’a été consultée sur un projet dont nous ne savons rien si ce n’est qu’il permettra au maire de poser la première pierre avant de futures échéances électorales.
La gestion d’une mairie par le FN : une tribune pour son idéologie mortifère
– Une communication omniprésente et permanente.
Pour l’essentiel il fait de la communication idéologique. La gestion de la ville est un prétexte à un plan de com. Élu sur un programme minimaliste, il est concerné par son image, par son propre intérêt et ceux de son parti. Il multiplie les provocations par des sorties nauséabondes :
– pointer dans une tribune douteuse les enfants allophones responsables selon lui de la baisse du niveau scolaire,
– réviser l’histoire coloniale en changeant le nom d’une rue célébrant le cessez-le-feu de la guerre d’Algérie,
– faire voter une charte anti-migrants alors qu’il n’y a jamais eu autant d’immigrés depuis son élection (de nombreux sud-américains chassés par la crise économique en Espagne alimentent la main-d’œuvre dans les grandes exploitations agricoles de la plaine) ; souvenons-nous qu’il organisa une manifestation pour soutenir les Chrétiens d’Orient persécutés par Daesh. Voici un bel exemple de compassion à géométrie variable où seuls les bons migrants, sous-entendu ceux qui ont la bonne religion, mériteraient que l’on s’intéresse à eux,
– répéter des prophéties alarmantes à l’occasion de commémorations officielles sur le péril islamiste, transformant un moment de recueillement en tribune politique partisane, etc …
Chaque inauguration, chaque événement est l’occasion pour lui d’asseoir sa proximité auprès de la population, donnant l’impression qu’il se préoccupe du quotidien de ses administrés alors que de nombreux dossiers dont il a la responsabilité souffrent d’un retard ou d’une absence de traitement.
Une posture de victime face aux intérêts du système. Comme il doit « faire avec » d’autres collectivités, avec « le système », il est constamment à la recherche du rapport de force ; sa culture d’élu d’opposition prend le dessus. Dans cette mise en scène du pouvoir et de l’autorité, qui passe souvent par le procès en justice, il est aussi bien l’agresseur que la victime. Il se targue de se trouver au centre de 27 procès, dont il est soit l’objet soit l’instigateur : qu’importe le sujet, il suffit qu’il y ait du bruit et qu’il en soit la vedette ! Les conflits répétés avec la présidente de la région sont pour lui l’occasion de s’afficher en grand défenseur des intérêts de sa ville. S’il réclame la création d’un lycée ou d’une gare SNCF, on ne l’entend pas sur la fermeture programmée du commissariat de police. Il déforme et ment effrontément sur le dossier du contrat de ville dont il a retardé au maximum l’application. Il n’aime pas déléguer les compétences de la ville à la CCBTA, allant jusqu’à refuser l’intervention de la brigade de la communauté de communes chargée de lutter contre les incivilités (la campagne beaucairoise est maintenant une zone de non-droit où les décharges sauvages et les constructions illicites se multiplient).
La liquidation de la question sociale, avec en début de mandat l’asphyxie du centre social, la disparition du service municipal de la politique de la ville, la baisse des subventions aux associations puis le refus de participer à la mise en place du contrat de ville pour 42% de la population, le FN de Julien Sanchez ne déroge pas à ses fondamentaux : c’est un parti anti-social et réactionnaire.
En conclusion
La gestion FN est un éteignoir pour la démocratie qu’elle soit participative ou représentative :
– le repli sur le territoire associé à l’opposition au partenariat avec d’autres instances républicaines,
– l’objectif affiché de concentrer les pouvoirs du maire avec ceux du ministre de l’intérieur et ceux du ministre de la justice (« avec moi les délinquants ne sortiraient pas aussi vite de prison »),
– le lien quasi fusionnel que les élus nouent avec une partie de la population, entretenant auprès des citoyens l’image d’un chef providentiel qui saura résoudre tous les problèmes.